11 milliards $ - 5200 $ = ERROR

Publié le par Semaane Djellal Eddine

11 milliards $ - 5200 $ = ERROR

 

Après une très longue absence, un ami – en fait, il s’agit d’une amie mais qui ose le dire ouvertement pourtant nous sommes tous des khoya (mon frère) et des khti (ma sœur) !! –, IL m’a appelé alors au téléphone pour me demander si c’est vrai que l’État sans âme algérien compte réellement octroyer une prime pour les chômeurs. Je lui ai répondu que j’avais lu il y plus d’un mois un titre en gros caractères dans un journal qui annonçait une telle chose mais que je n’avais pas un excédent de temps pour le gaspiller dans la lecture d’une telle SUPERCHERIE. IL m’a traité de jaloux et d’égoïste, je l’ai trouvé tout simplement naïf.

LE pauvre, et d’après sa voix, IL était très heureux parce qu’IL allait recevoir une prime, LUI qui détient un diplôme depuis trois ans et qui, à l’exception de quelques petits jobs, IL n’a jamais travaillé dans un poste permanent. Et s’IL n’a jamais réussi à en trouver un, ce n’est pas parce qu’IL n’est pas compétent (toujours parmi les premiers durant toute sa scolarité) mais c’est un peu la faute à « elle-n’est-pas-belle » ainsi qu’à sa dignité. La première le prive du potentiel de séduction. La seconde l’interdit de céder ou de se soumettre au droit de cuissage.

Je lui ai demandé de ne pas prendre la chose au sérieux et de ne pas attendre une telle charité qui ne viendrait peut-être jamais, et même si elle viendrait, il va falloir retrousser ses manches pour pouvoir l’arracher. Malheureusement, IL n’a pas le bras long et, partant, IL n’aura pas de manches à retrousser. Je lui ai beau expliquer que même si Ouyahia & Co. envisagent réellement d’entrouvrir le robinet et de laisser échapper cette goutte-prime, il y aura sans l’ombre d’un doute mille-et-trente-neuf conditions « ta’ajizya » du genre: une expérience de cinq ans minimum en tant que… chômeur ; trente-neuf témoins pour le prouver (N.B. les témoins eux aussi doivent être chômeurs)… Je lui ai dit qu’IL a sacrément intérêt à persévérer et à continuer de chercher LUI-même un boulot, que malgré l’iniquité absolue dans laquelle nous vivons quotidiennement, il y a toujours une bonne âme qui lui tendra la main-bouée et qui lui reconstituera tôt ou tard son droit. Entier de surcroit. Avant de raccrocher, IL m’a traité d’idéaliste, d’envieux et d’égoïste. Je l’ai trouvé tout simplement naïf.

Je l’ai rappelé et IL n’a décroché qu’après une grande insistance. Je l’ai prié de bien vouloir m’excuser pour ce malentendu. Je lui ai beau expliquer encore une fois qu’en apparence, c’est magnifique comme idée de venir en aide aux gens et de donner de l’argent à quelqu’un qui ne travaille pas mais cela frise le ridicule,  voire le non-sens quand on sait qu’il y a des enseignants qui travaillent depuis des lustres et qui n’ont pas encore touché le moindre sou de leur propre salaire. Un salaire qu’ils méritent, le fruit de la sueur de leur front et de la douleur de leurs cordes vocales. Ce n’est pas quelqu’un d’autre qui me l’a raconté, je ne l’ai pas lu dans un journal. Je le vis moi-même et je parle en connaissance de cause.

Je lui ai fait savoir que cela fait neuf mois (et j’ai entamé le dixième) depuis que j’ai commencé ma carrière professionnelle en tant que professeur d’enseignement secondaire de français et que j’attends toujours ma paie et mon rappel. Je ne voulais pas lui parler de la prime des sept mois de formation que nous avons faite. Je lui ai tout simplement parlé de mon droit que j’attends avec impatience, une impatience qui commence à se transformer en une rage de fou !

J’ai vingt-cinq ans et, ô scandale, je vis toujours avec mes parents. Mon père trouve que c’est tout à fait anormal qu’il continue de me donner de l’argent. Ma mère en a vraiment sa claque de le faire à son insu. Situation oblige, je suis devenu un corvéable à merci et cela au détriment même de ma santé et surtout de ma dignité et de mon statut. Je profite du week-end non pas pour me reposer ou pour préparer mes fiches techniques de la semaine mais pour bosser dans un cybercafé ou comme receveur dans un bus de transport. Mon travail au cybercafé est acceptable et il m’arrange beaucoup mais celui de receveur est…je ne sais quoi dire. Je l’ai accepté malgré moi, je n’ai pas trente-neuf choix.

J’ai expliqué à mon AMI que je ne suis pas le plus à plaindre, je suis célibataire et je peux vivre une vie somptueuse avec… 200 D.A. par jour (oui, je sais que ce billet est trente-neuf fois rien de nos jour mais cela reste toujours une fortune pour un enseignant), mais si je suis enragé c’est parce que je pense beaucoup plus à des collègues qui sont mariés, à ceux qui ont des enfants à leur charge, à ceux qui doivent payer trois ou quatre factures chaque fin de mois. De grâce, que peut faire un enseignant avec « walou » dans les poches ? Que peut faire un enseignant qui est tout le temps humilié par les propos de ses élèves qui, de bonne foi, lui demandent de changer sa chemise car il la porte depuis la rentrée ?

Mon AMI m’a demandé de baisser ma voix et de me calmer. Je me suis excusé et je lui ai fait comprendre que ce qui a suscité beaucoup plus mon indignation, ce ne sont pas les chinoiseries de la fonction publique (qui refuse de viser nos dossiers et accuse les fonctionnaires ignares de l’académie de l’éducation) ou le laxisme de l’académie de l’éducation (qui accuse le pharaon autocratique de la fonction publique), mais ce sont les propos de notre indétrônable ministre de l’éduction qui déclare fièrement que le budget de son ministère est de onze (11) milliards de dollars ! C’est le bouquet ! Le comble des combles! Une chose « ma’hasalitch » (du jamais vu): je travaille au milieu de onze milliards de dollars et c’est toujours ma miséreuse mère qui vole de l’argent à mon lamentable père pour qu’elle le file à son miteux de rejeton !!

Face à cette situation et n’en pouvant plus, j’ai décidé de réagir. Je ne vais pas barrer la route, je ne brûlerai pas des pneus (ou la mer), je n’écrirai pas une lettre ouverte (on n’a pas assez de temps pour lire un journal quand on gère onze milliards de dollars) et je n’envisage pas non plus une grève de la faim (je suis anémique et je ne saurais pas résister trop longtemps) mais tout ce que je peux faire est de ne rien faire… mais en classe. J’appellerai cela « faire l’école buissonnière tout en étant présent au lycée ». Eh ouais, quand on ne peut pas arracher la lune, on crache par terre et on cogne les cailloux. Je ne peux rien faire aux ignares de l’académie de l’éducation ou au pharaon de la fonction publique, je ne puis viser plus haut car le ministre est intouchable, mais je peux viser un peu bas. Navré mes potaches, je ne vais plus rien faire avec vous. Navré, moi aussi il me faut une victime. S’il vous plait, ne me regardez pas avec vos mirettes adorables, je ne supporte pas le regard des innocent ! S’il vous plait, ne me parlez pas de la conscience ou de mon image de marque, ils sont le fœtus (pour ne pas dire le cadet) de ses soucis quand on a faim. Navré, vous serez grands et vous comprendrez !

 

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S
je le relis maintes et maintes fois et je ne me lasserai jamais ! Magnifique rien à dire mach'Allah
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E
<br /> sans commentaire<br /> <br /> <br />
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